Les retombées économiques et sociales de la 33ème édition du festival international de jazz de Saint-Louis, sont difficilement quantifiables. Cette année encore, des centaines d’opérateurs économiques de la ville tricentenaire et autres hommes d’affaires venus des quatre coins du pays et même de l’étranger, ont pu créer des emplois et réaliser de très bons chiffres d’affaires….
Saint-Louis- Les hôteliers et autres propriétaires de réceptifs (auberges, campements touristiques, etc), les gérants de restaurants, bars, dancing, night-clubs, gargotes, les chauffeurs et transporteurs, les artisans, les vendeuses de poisson et les femmes transformatrices de produits halieutiques, sont très satisfaits des retombées économiques de ce festival.
Depuis une semaine, on aperçoit dans toutes les rues, ruelles et artères de la ville, des centaines de visiteurs, de touristes et autres étrangers qui débarquent avec leurs familles. On assiste impuissant aux rudes empoignades entre certains commerçants ambulants véreux et des acheteurs impulsifs, hargneux et belliqueux.
Au marché de Sor, malgré les rigueurs de cette chaleur torride et suffocante et les préparatifs de la Tabaski, les badauds et autres petits talibés, font le pied de grue devant les magasins de commerce, les cantines et autres échoppes achalandées de marchandises, espérant exécuter de petites taches moyennant quelques espèces sonnantes et trébuchantes.
A Lodo (Nord), Sindoné (Sud) et dans la Langue de Barbarie, les hôteliers que nous avons rencontrés, ont requis l’anonymat pour nous faire savoir qu’ils ont envie de prolonger ce festival d’une semaine. Ceci, pour la bonne et simple raison que « les hôtels et les auberges affichent chaque année le plein, à l’occasion de cet événement culturel qui contribue à mieux vendre la destination Sénégal ».
Ce festival, ont-ils précisé, nous offre l’opportunité « de travailler sans répit pour résoudre tous nos problèmes financiers, il nous arrive même de collaborer étroitement avec certaines familles démunies pour les aider à héberger des festivaliers, en vue d’y gagner un peu d’argent ».
Selon nos interlocuteurs, c’est une manière citoyenne et très intéressante de contribuer efficacement à la lutte contre la pauvreté. D’autant plus que certains touristes, qui ne veulent pas se prélasser dans les hôtels, préfèrent de plus en plus loger dans de grandes concessions où ils ont la possibilité de découvrir les conditions de vie des familles vulnérables, de communier avec elles tout en les aidant à résoudre certains problèmes sociaux.
Un opérateur économique du nom de Souleymane Khadim Sène, originaire du Baol et établi à quelques encablures du stade Me Babacar Seye, propriétaire de trois restaurants, a laissé entendre qu’il met chaque année à profit cette manne financière occasionnée par ce festival de jazz pour se remplir les poches.
Nos clients, a-t-il souligné, sont en général des touristes, « qui préfèrent venir manger chez nous et découvrir l’art culinaire sénégalais, chaque année, ils apprécient le menu riche et varié que nous leur proposons ».
Les chauffeurs de taxis urbains et autres véhicules de transport en commun, tirent leur épingle du jeu avant 13 heures et sont obligés de faire travailler tous les jours, de 14 heures à l’aube, deux autres collègues chauffeurs en chômage, en vue de les aider à joindre les deux bouts.
Selon Hamedine Saloum Dieng, un fonctionnaire à la retraite, domicilié à Pikine Bas-Sénégal, même les jeunes enfants en âge de travailler, issus de familles vulnérables, tirent largement profit de ce festival. On les voit même aux abords des réceptifs et des restaurants, en train de prêter main forte au personnel et aux clients dans l’espoir de leur soutirer quelques pièces de monnaie.
C’est dire que les retombées économiques et sociales de cet événement culturel de grande envergure dans la capitale du nord, sont inestimables. Non seulement, il donne l’occasion à des centaines de ressortissants de la région nord de se retrouver, de communier avec leurs hôtes, dans la joie et l’allégresse, mais il offre surtout l’opportunité aux hommes d’affaires et autres commerçants sénégalais d’écouler diverses marchandises, de sceller des partenariats, de fournir des denrées de première nécessité aux hôtels, restaurants et autres gargotes de fortune aménagées pour les besoins de l’événement.
Mame Léna Diallo, étudiante à l’Ugb, domicilié à Sor Daga, soutient que les visiteurs ne se contentent pas uniquement d’aller assister aux différents concerts du In, mais, ils mettent à profit leur séjour pour aller voir des parents, des amis, se rendre à la plage, organiser des excursions et des randonnées pédestres dans les autres localités de la région, découvrir les sites et monuments historiques de Saint-Louis.
Dans le faubourg de Sor, les Baye-Fall campent le décor. Ils organisent de grandes processions pour faire du « Madial ». D’autres, plus excités et pragmatiques, interpellent les festivaliers dans les gares routières en les exhortant à déposer quelques pièces dans leur sébile.
La traite des vendeuses de poisson
En cette belle matinée du 30 mai 2025, certaines jeunes femmes de la Langue de Barbarie, le nourrisson à califourchon sur le dos, triment dur pour proposer aux clients des produits halieutiques qu’elles viennent d’acheter à Diamalaye, quai de débarquement du poisson aménagé à Guet-Ndar, à quelques encablures de la route qui mène vers l’hydrobase.
Depuis le démarrage du festival, elles vendent leurs produits aux visiteurs à des prix exorbitants. Dignes et entreprenantes, ces braves femmes, très courtoises, présentent un visage affable lorsqu’elles sont parfois obligées de se livrer à d’âpres marchandages avec les clients pour écouler des cageots de sardinelles (espèce pélagique communément appelée yaboye en wolof), de salé séché, Tambadiang, de poisson fumé (kéthiakh en ouolf). Trempées de sueur, elles collaborent étroitement avec leurs tantes, marâtres, nièces, belles mères et autres parentes reconverties dans la transformation des produits halieutiques.
Mame Farma et Adja Rokhaya Gaye Sarr, domiciliées respectivement à Guet-Ndar et à Gokhou-Mbathie, ont laissé entendre qu’il leur arrive souvent durant cette période du festival de rejeter des clients car, elles sont souvent en rupture de stock.
Selon ces jeunes vendeuses, « il est très difficile actuellement de trouver du poisson dans les marchés de Saint-Louis car, la demande est supérieure à l’offre et du fait des difficultés pour nos pêcheurs qui n’ont pas de licence de pêche, d’aller opérer dans la zone maritime mauritanienne, la petite quantité de produits halieutiques que nous avons, est cédée en 30 mns aux étrangers qui nous proposent des prix attractifs et alléchants ».
D’autres « complices » sont confortablement assises à côté de ces vendeuses de poisson pour exercer un autre métier. Celui des écailleuses de poisson, considéré aujourd’hui comme un nouveau créneau de développement, très porteur.
Il convient de rappeler que ces écailleuses réalisent des chiffres d’affaires exorbitants en fin de journée. Elles deviennent de plus en plus riches pour la bonne et simple raison qu’elles ne font face à aucune charge liée à leur production. Surtout en cette période du festival de jazz. Elles n’ont besoin ni de matière première, ni de capitaux pour démarrer leurs activités. Elles disposent uniquement d’un petit matériel qui leur permet d’enlever les écailles ou de transformer le poisson.
Ainsi, autant elles sont d’une énergie débordante et autant elles amassent en un temps-record des sommes d’argent faramineuses.
Le spectacle est impressionnant, lorsqu’on voit ces braves femmes déployer des efforts constants pour héler des clients grincheux, exécrables, arrogants, capricieux et hautains, et surveiller en même temps les badauds agressifs, les pickpockets, les jeunes délinquants à la langue mielleuse, les déplacements des agents municipaux qui les rappellent à l’ordre à tout moment.
Une foire artisanale et commerciale
En dehors des concerts et des manifestations culturelles, l’Association Saint-Louis/Jazz, sous la houlette de son président, Idriss Bengeloum, a organisé cette année encore une foire artisanale sur la place Faidherbe et une foire commerciale sur le quai Masseck Ndiaye, situé derrière la Maison d’arrêt et de correction (Mac).
Selon l’organisateur principal, Amadou Diop de l’Association Saint-Louis/jazz, ces foires intéressent de plus en plus les femmes entrepreneures sénégalaises, qui se rendent comptent des nombreuses opportunités commerciales qu’elles offrent.
Pour M. Diop, cette foire est une grande attraction pour les populations, « c’est une foire sous-régionale, les exposants viennent du Bénin, du Tchad, de l’Inde, du Togo, de la Côte d’Ivoire, du Burkina-Faso, du Maroc, du Mali, de la Guinée Conakry, de la Guinée-Bissau et autres pays de la sous-région ».
Il a précisé que ces deux foires constituent un levier pour le développement économique de Saint-Louis et elles se sont déroulées dans une parfaite organisation, « nous remercions vivement Pape Ibrahima Faye qui nous facilité l’autorisation pour l’occupation du domaine public qui a abrité ces foires, qui contribuent à soutenir les parents d’élèves, qui en profitent pour acheter des produits qui sont à la portée de leurs bourses, ce qui leur permet de bien préparer la prochaine rentrée scolaire ».
Ces foires, a souligné Mame Gor Mbengue, enseignant à la retraite, permettent aux festivaliers et autres visiteurs de bénéficier de la richesse des créateurs locaux et d’ailleurs. Si certains admirent la beauté des produits artisanaux exposés sur la place Faidherbe, notamment, les belles chaussures, les pièces de tissu, les objets d’art et autres merveilles réalisés par les artisans de la région Nord, d’autres mettent à profit cette période de la 33ème édition du festival de jazz de Saint-Louis, pour acheter des vêtements, des fournitures scolaires et autres articles cédés aux clients à des prix défiant toute concurrence.
L’objectif de l’organisation de ces foires, a précisé Amadou Diop, consiste à permettre à l’Association Saint-Louis/Jazz de contribuer efficacement à la valorisation et à la promotion des produits artisanaux du delta et de la vallée du fleuve Sénégal.
Ces foires, a-t-il poursuivi, enregistrent aussi la participation d’artisans venus des quatre coins de notre pays et d’autres nations de la sous-région.
Chaque année, a-t-il fait savoir, la demande formulée par les participants pour disposer d’un stand, est exponentielle, causant de lourds préjudices et autres désagréments aux responsables de Saint-Louis/Jazz.
Non seulement, a-t-il ajouté, il est impossible de satisfaire toutes les demandes de participation, mais les organisateurs, à la dernière minute, sont confrontés à d’énormes difficultés pour trouver et aménager l’espace dont ces participants ont besoin pour exposer leurs produits. Un autre problème consiste à assurer à ces participants la sécurité.
D’autant plus qu’en effet, c’est l’occasion rêvée pour les pickpockets, les malfrats, les bandits de grand chemin, les prestidigitateurs véreux et autres quidams, de se frotter les mains pour réaliser de très bons « chiffres d’affaires ».
Néanmoins, les organisateurs de ces deux foires, toujours très vigilants, n’hésitent pas à collaborer étroitement avec les forces de l’ordre pour canaliser la foule et neutraliser certaines personnes mal intentionnées.
Reportage de Mbagnick Kharachi Diagne (Journaliste Consultant)