
Dans la capitale du Nord, la situation des enfants talibés-mendiants, enfants vulnérables et ceux vivant dans la rue, reste une réelle préoccupation. L’arrestation avant-hier, d’un marabout et de son adjoint par les limiers du commissariat de police de l’Ile de Saint-Louis pour maltraitance d’un enfant en est une parfaite illustration. Toutefois des associations de lutte contre la traite des enfants vulnérables élèvent la voix et invitent les marabouts à exercer moins de violences dans les daaras.
Des responsables de différentes structures qui s’activent dans la protection des couches vulnérables, avancent que les 2/3 des enfants recensés par leurs services, sont constitués de talibés mendiants. Une population jeune et exposée qui a besoin d’assistance et d’aide pour l’amélioration des dures conditions de leur vie. Déplorant le malheureux incident survenu avant-hier dans un daara au quartier Nord de l’Ile, où un oustaz a cassé le genou d’un jeune talibé de 08 ans, le président de l’association des jeunes oustaz de Saint-Louis (AJOS) a invité ses collègues à plus de sérénité devant les enfants. « Les enfants qu’on nous confie sont à défendre. Rien ne peut justifier certaines violences envers de petits mômes innocents et sans défense. Pour seulement une leçon non sue, le marabout doit se contrôler en corrigeant son talibé. Ce qui est arrivé à nos collègues de la daara de Nord est regrettable. Donc il faut protéger les talibés et éviter de s’attirer des ennuis judiciaires inutilement. Mais nous prions pour qu’ils en sortent sans grand dommage » a déclaré Serigne Blondin Boye, Président de l’AJOS. Pour le coordonnateur du cercle pour le retrait des talibés et enfants de la rue, l’enseignement du coran ne rime pas avec violence. Malheureusement, a-t-il soutenu, dans de nombreuses daaras, la maltraitance des talibés est érigée en règle. « L’enfant a des droits que nous devons respecter et ce sont des recommandations du saint coran. Mieux, si le talibé est terrorisé par le Serigne, il ne comprendra jamais ses leçons du jour » a ajouté Oustaz Boye.
Les talibés exploités et maltraités dans les daaras et domiciles. Mais ce regrettable incident du daara au quartier Nord, n’est-il pas l’arbre qui cache la forêt des maltraitances des enfants-talibés dans la vieille cité ? A en croire les services de l’Aemo de Saint-Louis, il est rare de rester une semaine sans des cas de tortures de jeunes talibés par leurs marabouts ne soient signalés à la police ou aux structures de défense des talibés. D’après ces dernières, le souvent après enquête c’est pour des raisons pécuniaires que le marabout maltraite le talibé. En dehors des graves sévices corporels infligés par les marabouts, comme la fracture du genou droit du jeune talibé D. Sall avec à la clé un ITT de 60 jours, les enfants –talibés sont également victimes d’abus sexuels, de viols et parfois d’accidents de la route parfois mortels. Il est fréquent que les sapeurs-pompiers évacuent un talibé accidenté dans les structures sanitaires de la ville. Au service social de l’hôpital régional, il est difficile de donner un chiffre exact sur le nombre de talibés pris en charge depuis le début de l’année. Mais ce ne sont seulement les marabouts qui exploitent les enfants –talibés. La traite des jeunes talibés est entrain de prendre une autre tournure plus dangereuse que la mendicité si on n’y prend garde.
A Saint-Louis, nombreuses sont aujourd’hui les familles qui profitent de la vulnérabilité des talibés pour les exploiter dans leurs maisons pour des tâches ménagères. Pour de modiques sommes tournant autour de 7.000 à 10.000F, les talibés balaient et nettoient les cours de maisons, lavent les ustensiles et déversent les poubelles dans les décharges. Une forme de maltraitance et d’esclavage qui ne dit pas son nom et qui se propage dans la ville. « La situation est plus que alarmante dans la ville de Saint-Louis, c’est pourquoi nous travaillons d’arrache-pied pour raisonner nos collègues à veiller sur le respect des droits des talibés et de leur protection. Concernant les populations, à chaque fois que nous avons l’occasion, nous les invitons à éviter d’exploiter les enfants talibés. Parce qu’aucun chef de famille parmi eux n’aimerait voir son jeune enfant de moins de dix ans être transformé en boy ou domestique dans une maison» a expliqué Oustaz Boye.
Pour faire face à ces fléaux de mendicité et de maltraitance des enfants dans les daaras, l’Etat doit prendre ses responsabilités et sévir durement contre les contrevenants. « L’heure est venue pour les autorités de sonner la fin de la récréation et de faire appliquer les lois et les textes en vigueur » a râlé le coordonnateur du cercle pour le retrait des talibés et enfants de la rue. Pourtant il existe un arsenal juridique pour la protection de l’enfant portant sur la convention des droits de l’enfant ou au code pénal sénégalais.
ADAMA SENE