COUP DE GUEULE  DE BATHIE. Dialectique éristique

COUP DE GUEULE  DE BATHIE. Dialectique éristique

COUP DE GUEULE  DE BATHIE.
Dialectique éristique


Un pays aussi merveilleux que le Sénégal, il est difficile d’en trouver. On y rencontre toute sorte de personnes. Toute sorte d’experts, des experts en tout. Des gens qui ne vous connaissent ni d’Adam ni d’Eve se permettent de vous interpeller et de vous enquiquiner avec leurs problèmes, de vous pomper l’oxygène avec leur théories qui ne tiennent parfois pas la route ; des gens qui veulent toujours avoir raison et qui, malheureusement, ne vous laissent pas placer un mot et même quand vous y parvenez, elles ont l’art de retourner la situation contre vous. Que ce soit en religion, en politique, dans la vie courante et mille autres sujets, ils pensent détenir la vérité, mais le pire c’est qu’ils sont incapables d’écouter votre opinion. Vous pouvez leur parler de n’importe quel domaine, ils ont toujours une réponse à donner. Et quand ils pensent qu’ils ont raison, toute autre personne pensant autrement a tort. Avoir le dernier mot est pour eux un besoin irrépressible. Ces esprits obsédés par le fait d’avoir raison et happés par le syndrome du « je-sais-tout » n’acceptent jamais leurs failles. Il ne leur vient jamais à l’esprit que d’autres personnes puissent avoir un autre point de vue que le leur. Descartes disait que la raison est la chose la mieux partagée au monde, hommes et femmes croient l’avoir et même en détenir le monopole. Le plus révoltant, c’est que quand vous leur prouvez qu’ils ont tort, ils ne reconnaissent jamais leur tort. C’est parce que sous nos tropiques, les débats sont rarement des moments de recherche de la vérité. Ils sont plutôt une occasion pour chacun d’imposer son point de vue, sans même se soucier que l’idée développée est bonne ou mauvaise. Seul le dernier mot les intéresse. Et pourtant, on n’a pas besoin d’avoir toujours raison pour vivre heureux, en parfaite harmonie et personne n’est jamais morte d’avoir eu tort dans un débat.
<span;>Dans son manuel dialectique « l’art d’avoir toujours raison » ou la « dialectique éristique » écrit en 1830, le philosophe allemand, Arthur Schopenhauer, expose l’art de se tirer d’affaire dans toute discussion, peu importe si les arguments qu’on défend sont tirés de la logique ou si l’on a recours à des procédés déloyaux pour désarmer son vis-à-vis. « Chez la plupart des hommes, la vanité innée s’accompagne d’un besoin de bavardage et d’une malhonnêteté innée. Ils parlent avant d’avoir réfléchi et même s’ils se rendent compte, après coup, que leur affirmation est fausse et qu’ils ont tort, il faut que les apparences prouvent le contraire », écrit-il. En effet, soutient-il, « la dialectique éristique est l’art de la controverse, celle que l’on utilise pour avoir raison, c’est-à-dire per fas et nefas ». Cela signifie tout simplement « qu’on peut, en toute objectivité, avoir raison, et pourtant aux yeux des spectateurs, et parfois pour soi-même, avoir tort ». Schopenhauer explique que « si un adversaire réfute une preuve, et par là donne l’impression de réfuter une assertion, il peut pourtant exister d’autres preuves ». Ainsi donc, fait savoir le philosophe allemand, « les rôles ont été inversés : l’adversaire a raison alors qu’il a objectivement tort. Ainsi, la véracité objective d’une phrase et sa validité pour le débatteur et l’auditeur sont deux choses différentes ».
<span;>Loin d’inviter le lecteur à mentir, cet ouvrage de Schopenhauer toujours d’actualité, par le biais de stratagèmes, livre tous les secrets pour se défendre contre ceux qui nous manipulent et nous apprend aussi à manipuler les autres, à convaincre en public. Un livre à lire absolument par les politiciens en herbe et apprentis rhéteurs soucieux de développer un sens de l’autodéfense intellectuelle puissant et redoutable. C’est donc un outil indispensable pour apprendre et maîtriser l’art oratoire et à rester imbattable sur le plan argumentatif dans un pays comme le nôtre où l’on aime les débats futiles.



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